autrement dit
« L’enfer, c’est les autres » : mon karma, la suite!
Pour ceux qui n’auraient pas lu le premier épisode, vous pouvez vous rattraper ici.
Ça fait maintenant trois mois que je vis sur Ouessant. Comme je l’ai expliqué dans mon premier billet, j’ai « choisi » la solution « hébergement collectif » (en fait j’ai pas choisi. Y’avait rien d’autre car ici, les gens louent à la semaine)(et genre 600€ la semaine). Bref, je vis au CEMO, centre qui a pour vocation première l’accueil des scientifiques de passage mais où tout le monde, NOTAMMENT des groupes de toutes sortes peuvent loger.
Chasse au trésor et gueule de bois
Par exemple, un samedi soir, débarquant au CEMO après une randonnée de 8h sans manger, dans la cuisine où j’envisageais un quatre heures pantagruélique, (rapport au fait que, comme d’habitude, j’avais pas prévu de rester aussi longtemps dehors) je me fais très cavalièrement aborder par un petit homme à lunettes qui me questionne : « Vous vivez là ? » qu’il me dit.
Moi j’aime pas trop qu’on me demande des comptes quand je sais pas à qui j’ai à faire. J’ai donc adopté ma position « méfiance et froideur », qui fait habituellement des merveilles avec les relous.
« Oui. » je répond. #jesuislaconique (ta mère)
Il insiste : « Vous vous occupez du centre ?«
« Non. »
« Mais alors vous faites quoi ici ?«
J’ai cru rêver.
Le type est de passage chez moi (un chez moi certes collectif mais tout de même!) et me demande ce que j’y fait. Ça n’a pas arrangé mon humeur (en plus, il était entre moi et mon goûter). Ce qui l’a fait par contre, c’est quand il a enfin fini par se présenter et me donner la raison de sa présence. Il m’a expliqué être « organisateur de chasses au trésor pour adultes ».
J’ai ouvert de grands yeux, ai retenu ma respiration et me suis demandé si ça voulait dire qu’il y avait des épreuves classées X. Du coup, j’ai commencé à glousser niaisement.
Le monstrueux tas de sacs dans l’entrée du centre aurait dû me mettre la puce à l’oreille, un groupe était de nouveau là.
J’ai tout de suite pensé à « la malheureuse affaire du Uno ».
Mais les bretonophones (breizhophones? Bref, le groupe en stage de breton) qui avait occupé le centre la semaine précédente avaient été tellement sympas et discrets que ça ne m’a pas plus alarmée que ça. En plus, l’animateur/organisateur, Gildas de son prénom, m’a invitée à partager leur repas du soir : ZE FAMOUS RAGOUT SOUS LES MOTTES ! J’ai accepté tout de suite of course, vu que j’en entendais parler depuis mon arrivée et que les restaurants ne les font pas pour moins de 2 personnes (et à moi toute seule, je suis le seul chiffre en dessous de deux personnes…) ! Il m’a également offert de venir prendre l’apéro au pied du phare en leur compagnie. J’ai décliné, pourquoi ? Je ne sais pas.
Et pourtant j’ai bien fait… les participants sont arrivés les uns après les autres, et on les entendait littéralement à un kilomètre à la ronde. Je ne savais pas qu’il était possible de rester branché sur 2000 décibels (soit bien plus qu’un avion au décollage) en permanence. Et pourtant, j’avais sous les yeux un groupe de 39 personnes (oui, 39) qui fonctionnaient tous comme ça. Recrutés sur leurs cordes vocales en titane ? Bref, à 18h, l’apéro était commencé juste sous mes fenêtres (j’adore écrire ça, j’ai l’impression d’habiter un manoir). A 18h15, le volume sonore avait (comment est-ce possible ?) encore augmenté. J’étais au téléphone avec mon amoureux à ce moment-là et, toutes fenêtres fermées, ils arrivaient à couvrir le son du combiné. Impressionnant.
A 19h, ils sont enfin montés au phare, et j’ai eu un petit moment de répit. Je me suis dit que la nuit allait être longue, ou courte, ça dépend de comment on regarde mais le résultat est le même : je n’allais pas beaucoup dormir. Parce que le phare (deux éclats blancs toutes les dix secondes), encore, ça ne me gêne pas vu que je dors la tête entièrement recouverte par les couvertures. Par contre, le bruit, je peux pas. Bref, ils sont partis prendre l’apéro. Moi je continuais de vaquer à mes occupations jusqu’à ce qu’aux environs de 20h15, je les entende descendre du phare (à 500m de là donc) et revenir. Gildas m’a vociféré que c’était l’heure de venir manger. J’y suis allée, cherchant une excuse pour écourter.
Mais malgré mes craintes, j’ai été très bien accueillie par le groupe (en même temps, la plupart ne se connaissaient pas entre eux et m’ont prise pour une participante). Et donc, j’ai mangé du ragoût sous les mottes.
Et là…
GROSSE DECEPTION !!!
En fait, c’est du mouton bouilli normal. Ou alors j’en ai mangé du pas bon ? (mes collègues m’ont dit où il fallait commander, et où il ne fallait SURTOUT PAS aller pour manger du bon ragoût. Je crois que Gildas s’était adressé au mauvais endroit). J’ai bien cherché le goût de fumé « très caractéristique » mais que dalle, macache, queudchi.
Scandale !
Par contre, le vin rouge était assez sympa et cette petite sauterie nous a entrainé jusqu’à 3h du matin, heure à laquelle j’ai décidé que ça suffisait de chanter du Joe Dassin en yaourt (Je m’aperçois que Joe Dassin et le karma sont les fils conducteurs de mes aventures, à mon corps défendant !) (cf.article précédent) et où je suis allée me coucher.
Apparemment, c’est à ce moment-là que j’ai trouvé que c’était une super idée de réveiller mon mec et que je l’ai appelé pour, apparemment, (et j’insiste sur le APPAREMMENT, n’en ayant pas souvenir) lui chanter du Keen V pendant plusieurs minutes. Dieu merci, cet homme a une patience d’ange (mon mec, pas Keen V, que je n’ai pas l’honneur de connaitre). En revanche, le lendemain matin, pendant que je cuvais mon mal aux cheveux, il m’a expliqué fort mécontent qu’il n’avait rien contre le fait que je l’appelle la nuit, « Mais si c’est pour me chanter du Keen V je préfèrerais que tu t’abstiennes ! Ne fais plus jamais ça !».
Et donc, ce dimanche matin, je me suis réveillée hyper heureuse de ne pas avoir, comme les participants, à me lever pour, je cite : « faire un koh lanta sur la plage. Enfin… un Ouessantah. ». C’est donc tout tonitruants qu’ils sont partis à 9h pendant que du fond de mon lit, je regrettais le dernier verre de vin et le manque d’eau à table la veille.
Dans ces moments-là, avec de bons groupes, habiter un logement collectif est vraiment rigolo et riche de rencontres. En revanche, il y a un revers à la médaille…
Car si certains groupes sont adorables (malgré les décibels), d’autres se sentent seuls au monde et, puisqu’ils sont en rase campagne, se sentent libérés du poids du silence qu’il faut respecter en terre civilisée, c’est à dire apparemment, pas sur Ouessant. C’est le cas du groupe dont je vais vous parler ci-dessous, juste après vous avoir raconté pourquoi je pense que je mérite une punition karmique
J’ai passé ma troisième année de licence à Avignon. Et clairement, ça a été la meilleure de mes années étudiantes. J’ai kiffé du début à la fin, me suis amusée comme une folle et j’y ai rencontré des personnes qui sont, aujourd’hui encore, très très importantes dans ma vie, (genre mes meilleurs potes et, accessoirement, mon mec <3 ) . Il faut savoir que donc, quand une amitié démarre comme ça sur les chapeaux de roues, ça fait des flammes. Et pas mal de bruit. Genre, je peux attester que je sortais minimum cinq soirs par semaine (encore aujourd’hui, je me demande comment j’ai fait physiquement pour faire autant la bringue, ne jamais dormir, ne louper AUCUN cours et obtenir mon année avec mention) et que, sur ce nombre, au moins quatre se terminaient en braillant des chansons dans les rues ou par la fenêtre de l’appart où on avait l’habitude de se retrouver. Bref, on a souvent réveillé des gens qui ouvraient la fenêtre pour gueuler ou nous jeter des trucs, et on répondait en riant et en chantant encore plus fort. On méritait sans aucun doute un châtiment pour ça. Voici le mien.
On est saouls, saouls, sous ton balcon
Trois jours après le weekend que je viens de vous conter, le CE d’une entreprise d’alimentation porcine est venu au CEMO fêter le lancement d’un nouveau produit. J’ai donc vu arriver, à l’heure du bateau du soir, un groupe de géants mastodontes dont le but avoué était de s’auto-congratuler pendant deux jours.

Un jour où il y avait de la brume…
Et c’est ainsi que (« un jour où il y avait de la brume ») j’ai, pour la seule et unique fois de ma vie, eu la chance d’avoir des hommes en train de chanter sous ma fenêtre. Une chorale, que dis-je, une AUBADE (rappelons ici que, selon Wikipédia, une aubade est : « une sorte de composition musicale donnée à l’aube, le matin, sous les fenêtres de quelqu’un ». Là, clairement, on était pile dans le créneau étant donné qu’il était trois heure du matin…)!
C’était tellement romantique ! Enfin… Ça l’aurai été si la chanson en cours n’avait pas été Le Curé de Camaret. Et s’ils avaient été sobres. Et si ça m’avait été destiné aussi. Là, visiblement, c’était juste que la brume, la lande, la nuit et la pleine lune les inspiraient fortement (et non pas ma personne). En outre, ils étaient armés d’une guitare avec laquelle ils ont commis les pires atrocités.
Pourtant, ça avait commencé sobre (enfin si je puis dire… car eux ne l’étaient pas, sobres !) et ils m’avaient réveillée avec un bon vieux Cabrel et Je l’aime à mourir (Francis est toujours la solution). Ils avaient enchainé avec « et ça sent la morue jusque dans le cœur des frites » (Jacques for ever) et un petit J’veux du soleil.
C’est après que ça a dérapé (et que j’ai décidé d’aller brider leur élan créatif). Je me suis donc levée et, me pelant les meules dans mon pyjama sur le pas de la porte, j’ai appelé une première fois « S’il vous plait ? ».
Pas de réaction, le curé de Camaret avait les couilles qui pendaient.
Deuxième fois, plus fort « s’il vous plait ? ».
Toujours personne qui bronche, mais j’étais heureuse de savoir que sur la place de Camaret se trouve une statue d’Hercule.
Il n’y a pas eu de troisième appel (la patience et moi ça fait clairement deux) et c’est donc un sifflement strident qui les a interrompus au moment où nous allions en apprendre plus sur le troupeau de vaches du curé de Camaret (et je suis bien heureuse d’avoir appris à siffler avec les doigts). Donc, quand j’ai eu leur pleine et entière attention (quoiqu’à travers les brumes tant alcooliques qu’océaniques (je vous ai dit que c’était une nuit où il y avait de la brume)), je leur ai demandé d’aller ailleurs, genre pas ici ou, au pire, d’arrêter. Forts urbains, ils se sont excusés et ont répondu « d’accord, on va sur la plage ! ». C’est ça, bonne idée, tchao. Et nous avons tourné les talons de concert. En rejoignant mon lit, il était 3h30 je me suis rendu compte que j’étais passé du côté des gens qui vont travailler le lendemain au lieu de chanter dans la nuit.
La morale de cette histoire, c’est que les éleveurs porcins et les chasseurs de trésor ont deux points communs : un foie d’acier et de gros poumons.
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2 Comments
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