Ou : Comment j’ai rencontré mon idole au MET
Il est de ces rencontres qui changent une vie et vous marquent à jamais. Alors puisque nous en sommes à évoquer les hommes décédés dont je suis folle amoureuse, il est grand temps pour moi de vous parler de l’une de celles que je n’oublierai jamais : le jour où j’ai rencontré Vincent Van Gogh.
J’ai.
Rencontré.
Vincent Van Gogh.
Pour vous ces mots sont peut-être anecdotiques, mais Van Gogh a été ma première vraie grosse émotion artistique.
Il a été ma première copie aussi.
J’avais 5 ans et je suis tombée amoureuse de ses Tournesols au détour d’un atelier d’art plastique. Cette passion nouvelle a donné un tableau géant, en relief et plutôt pop-art (j’avais pris quelques libertés avec les couleurs d’origine…) qui a été accroché pendant des années dans le salon de mes parents (quand je dis géant, je pèse mes mots : il devait mesurer 1m sur 70 cm et j’avais plâtré des mouchoirs en papiers pour créer le cœur des fleurs). Depuis ce temps-là, j’aime Van Gogh et ça ne s’est jamais arrêté (mais je suis passée sur des formats plus raisonnables). Si je n’ai malheureusement pas de photos à vous montrer en ce qui concerne ma première production (je vous sens hyper déçus), vous verrez dans les dessins qui émaillent cet article qu’il me sert d’inspiration très souvent.

Comme ici où je devais illustrer le mot « late » (tardif) durant le challenge d’illustration auquel j’ai participé l’an dernier.
Alors vous imaginez bien que lorsque je me suis retrouvée nez-à-nez avec ses toiles au détour d’une salle du Metropolitan Museum of Art de New-York, ça m’a fait quelque chose.
Mais revenons au temps présent et commençons cette histoire par son début. Lors de notre séjour à New-York, l’une des lignes de notre liste (que j’ai déjà évoquée ici et ici) était : « aller visiter le MET ».
Le « MET » aka le « METropolitan Museum of Art » c’est l’équivalent du Louvre aux États-Unis. Des salles entières remplies d’œuvres d’art du monde entier. Lorsque nous y sommes rentrés, j’ai failli faire un malaise tellement j’étais excitée.
Mon plan de bataille était simple : tout visiter, puis dévaliser la boutique.
Au MET, tout vient à point à qui sait attendre

Auteur : Alex Proimos
Licence : Creative Commons Attribution 2.0 Générique
Mais lorsque j’ai eu une carte du lieu entre les mains, mon plan si brillant est tombé à l’eau : une journée n’y suffirait pas. Alors comme il fallait bien commencer par un bout, j’ai choisi l’inconnu : l’aile américaine. Je n’ai pas été déçue du tout. J’ai admiré à la fois des œuvres d’artistes qui m’étaient inconnus et une muséographie vraiment très bien pensée.
Les tableaux, qui traitaient souvent de sujets que je n’ai quasi jamais vus en Europe, sont organisés par thématiques : mères et enfants, femmes en robes, cowboys et « indiens » (native americans), paysages… J’ai bavé toute la journée devant les couleurs, les formes, les drapés, la lumière et les ombres…
Le mobilier était incroyable aussi. J’ai eu d’énormes coups de cœur dont un tout particulier pour les lampes, mosaïques et vitraux de Louis Comfort Tiffany. Je voulais passer des heures à les regarder, à me demander comment c’était possible à rendre en dessin (spoiler alert, je n’ai toujours pas trouvé) et j’avais envie d’en ramener chez moi. Nous avons aussi admiré des meubles stupéfiants de finesse, incrustés de nacre et marqueté de bois précieux.
J’ai pris mille photos de détails, de formes, d’associations de couleurs. J’avais l’impression qu’une rivière, que dis-je, un FLEUVE d’idées avait jailli dans mon cerveau et ne s’arrêtait plus. Je voulais avoir quatre yeux et huit mains pour pouvoir, tout à la fois, dessiner et regarder.
Et soudain, il a été 17h, l’heure de fermeture du musée. La mort dans l’âme, nous avons quitté les lieux, nous sans nous être juré de revenir avant la fin du mois pour aller présenter nos respects (et mon amour éternel) à Vincent.
Vincent ma fleur, mon bel oiseau
- Une inspiration de tous les jours
- Ma première tentative de dessin numérique
C’est une semaine plus tard que nous avons tenu notre promesse.
Cette fois-là, pas question de niaiser : on fonce sans se retourner vers la section des peintures européennes du 19e et début 20e car c’est là-bas que m’attendais Vincent. Sans nous laisser interpeller par les merveilles qui crient notre nom sur notre passage : « Et moi, et moi, tu ne me regarde pas ? J’ai plus de 2000 ans et je suis magnifique, regarde-moi ! », nous traversons, plan en main, le labyrinthe de salles et les volées d’escaliers qui mène à mon bien aimé. On se croirait dans Poudlard.
Enfin, nous voilà à l’entrée de la section.
Je pourrais me précipiter et foncer direct vers la salle où sont exposés les tableaux de Van Gogh mais non. Je ne le fais pas. Nous marchons de salle en salle lentement, en prenant notre temps. Nous admirons les Monet, les Degas (vraiment pas mon préféré), les Manet, les Seurat, les Ingres et tous les autres. Nous faisons durer l’attente. Parce que l’anticipation du plaisir, c’est déjà du plaisir.
Et soudain, ça y est.
On y est.
Il est là, juste devant moi.
J’avais beau m’y attendre, j’ai eu un choc.

« Salut toi, qu’est ce qu’un mec mignon comme toi fais sur Tinder ? Tu me fais voir tes beaux pinceaux ? » Photo issue du site du MET
Rien n’aurait pu me préparer à l’émotion que j’allais ressentir à ce moment-là. Avoir des œuvres de Van Gogh devant les yeux, en vrai, ça m’a remuée jusqu’au trognon, ça m’a décollé la pulpe du fond, ça m’a coupé l’air des poumons. Avoir des œuvres de Van Gogh devant les yeux, en vrai, c’était comme si je le rencontrais, lui.
La respiration retrouvée, j’ai commencé à pleurer. J’ai eu les larmes aux yeux devant la beauté des couleurs, le dynamisme des coups de pinceaux, l’épaisseur des couches de peintures…
Même les groupes en visite guidée dont le guide braillait dans un microphone, même les gens qui faisaient des selfies sans considération pour les autres, même les connards qui me bousculaient pour prendre les œuvres en photos sans leur jeter un seul coup d’œil autrement qu’à travers l’écran de leur téléphone/appareil photo, bref, même tous ces fâcheux n’ont pas réussi à ternir ma contemplation et mon ravissement.
J’étais dans ma bulle, perdue dans la contemplation d’un tableau en particulier qui m’avait happée et qui représente un paysage que je connais en vrai. A travers l’espace et le temps, par-delà les années et l’océan Atlantique, Vincent m’avait attrapée par les épaules et ramenée à St Rémy de Provence où j’ai vécu et travaillé. Et ça m’a émue de voir mon si petit village de Provence depuis cette si grande ville qu’est New-York City. J’aime que lui et moi partagions ça. Ce lieu. Ces paysages.

Photo issue du site du MET
J’ai continué à admirer la palette de couleurs extraordinaire de la toile. Je me suis émerveillée devant les bleus et roses du ciel. Je n’avais jamais vu des turquoises semblables avant… J’ai contemplé la manière dont les verts se mariaient avec les jaunes. J’ai cherché à comprendre comment il rendait les ombres et comment il traduisait la lumière… C’était si beau. Si lumineux. Si doux.
J’ai beau avoir plusieurs livres sur l’œuvre complète de Van Gogh, avoir affiché chez moi des tas de reproductions de ses tableaux et avoir travaillé à Arles où son œuvre est omniprésente, les toiles originales n’ont rien à voir. J’étais stupéfaite de faire la même découverte que tant d’artistes avant moi : rien ne vaut le vrai. C’est tellement fou de penser que dans le monde entier, il n’existe qu’un tableau parfaitement identique à celui-ci.
Alors j’ai pleuré, pleuré, pleuré.
J’ai pleuré de beauté et de gratitude que Vincent Van Gogh ait un jour existé, et j’ai pleuré de pitié pour son existence misérable, ses galères, ses doutes et son combat constant. Le mec a inventé un art nouveau et il est mort sans savoir que des millions de personnes trouvaient son travail beau. J’ai aussi pleuré de tristesse pour nous tous, pour l’humanité toute entière. Parce que nous l’avons perdu comme nous avons perdu Freddy Mercury 101 ans plus tard. Je suis intimement persuadée que la beauté du monde s’est un peu assombrie lorsqu’il s’est éteint. Pauvres nous.

Une fille heureuse et amoureuse
Quand il a fallu quitter la salle et poursuivre notre visite, j’ai eu du mal à m’arracher à ma contemplation. Pour cette salle, et ce tableau en particulier, je serais prête à déménager à New-York et à prendre un abonnement au MET juste pour pouvoir en être physiquement plus proche et venir les voir aussi souvent que je le souhaite.
Qui sait, peut-être un jour ? En attendant, je garde dans un coin de mon cerveau ce moment merveilleux.
Bisous du bout du monde, n’oubliez pas d’aller au musée.
Marie B.
PS 1 : à la boutique, je me suis acheté un pin’s… qui représente l’autoportrait ci dessus, qui, vous l’aurez deviné, est l’un de mes préférés. Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous.

Selfie pris lors de notre troisième visite au MET. Mon pin’s est BEAU et ce n’était pas un hasard non plus de trouver ce t-shirt incroyable à 5$ chez Target deux jours plus tôt.
PS 2 : et si vous aussi vous êtes amoureu-se-x, voici deux idées pour vivre votre Passion Van Gogh à fond :
- Le film La Passion Van Gogh, justement. En anglais, le titre est Loving Vincent et c’est l’affiche du film qui ouvre ce billet. Un bijou animé peint à la main dans le style des toiles de Vincent. Une merveille. Je l’ai vu au cinéma au moment de sa sortie en novembre 2017 et…Wahou. Cette fois là aussi, j’avais mis des jours à m’en remettre.
- La chanson de Jean Ferrat (encore un moustachu décédé que j’aime d’amour). Je l’ai écouté en boucle après notre visite au MET. Je l’ai à nouveau écoutée en boucle pour écrire cet article. Jean Ferrat et Vincent Van Gogh dans la même chanson : accord parfait.
Brigitte
janvier 21, 2019Ça donne envie d’y aller …
Sinon, le musée des beaux arts de Besançon vient de rouvrir ses portes!
En toute humilité !
mademoisellebambelle
janvier 21, 2019Bientôt ! Dans quelques mois tu y seras !
Val Lao sur la Colline
janvier 30, 2019Je crois que l’émotion la plus forte que j’ai eue devant une oeuvre, c’était aussi à NYC, mais au MoMA. J’ai fondu en larmes devant une installation de William Kentridge, une animation selon sa technique de dessins au charbon successifs, derrière une autre animation comme un petit théâtre.
Bon, je pleure souvent dans les musées ou au spectacle, mais là, c’était un tsunami d’émotions…
mademoisellebambelle
janvier 30, 2019Ah oui, moi aussi je fait partie de la team pleurnicheuse en musée/au ciné. Pas facile à assumer tous les jours haha !
Par contre le MoMA reste pour moi la PIRE des expériences muséales que j’ai jamais vécu. Je pense faire un article dessus très bientôt, mais ça a été LA SEULE déception de notre séjour à New-York, alors que je l’attendais avec beaucoup d’impatience.
Et William Kentridge, je ne connais pas ! Je file me renseigner sur son oeuvre, merci pour la découverte !
Val Lao sur la Colline
janvier 31, 2019Ah ! Moi c’est le Guggenheim qui m’a déçue, pas son architecture, mais (une partie de) ses collections (j’en attendais trop, sans doute). En revanche, nous y avons vécu une expérience originale et drôle, avec à chaque montée vers l’étage supérieur, une personne qui nous interrogeait sur diverses questions philosophiques, et plus on montait dans le musée, plus on s’élevait dans la réflexion.
Fanchette
février 1, 2019Même émotion le jour ou La vision après le Sermon est venu dans mon petit musée breton : le choc. Le rouge. La vie. Gauguin. J’ai été le voir 4 fois (c’est-à-dire que j’ai payé 4 fois l’entrée au musée en 1 mois !!)
PS : adoré cet ovni de film Passion Von Gogh !
mademoisellebambelle
février 1, 2019Oh quelle belle histoire ! J’adore quand les « petits » musées reçoivent des chefs-d’œuvre célèbres de temps en temps. C’est toujours un bonheur de ne pas devoir aller à Paris pour contempler les toiles des grands maîtres.
Et Passion van Gogh, je crois que je n’en suis toujours pas remise !! J’ai envie de le revoir, mais en même temps, j’ai trop peur d’être déçue tellement mon ressenti avait été fort ce jour là : j’ai pleuré pendant des heures après le film, c’était terrible. Ambiance nez patate et voix de crapaud. Mon copain était démuni haha!