Parce que toutes les entorses ne sont pas aussi cools.
Vous qui me lisez, vous savez surement que New-York est bourrée d’écureuils gris.
Introduits au 19e siècle pour conserver un lien entre les habitants et la nature ils sont à présent aussi célèbres que Lady Liberty ou la Cinquième Avenue. Ils font partie du paysage.
Contrairement à nombre de New-yorkais qui s’en battent les flancs, et comme je vous l’ai expliqué dans le billet sur les fantasmes royaux des américains, personnellement, j’en suis gaga. Mich aussi. Nous avons passé tout notre séjour aux États-Unis à nous attendrir sur la mignonitude de ces boules de poils avec des grosses queues (je vous vois ricaner dans le fond les gros-se-s dégueu-e-s !). Et je ne vous raconte même pas les yeux en forme de cœur quand, au détour d’un parc, nous avons aperçu notre premier chipmunk.
Aaaaaaah, rien que d’y repenser, je meurs d’amour.
Un jour vers la fin de notre séjour, après des semaines à faire des « Ooooh » à chaque fois qu’on en apercevait un au détour d’une pelouse (tous les trois pas environ donc), nous avons vécu notre rencontre du 3e type avec l’un de ces dignes représentants des rongeurs.
Alors que nous attendions à un feu rouge, en train de débattre du prochain repas ou du programme de l’après-midi, « POC ! ». Dans un bruit mat et creux, un gland vient de me tomber sur la tête.
Outrée et endolorie, je lève les yeux et là, j’aperçois un écureuil mi furieux, mi désespéré (comment ça je me projette ?).
Les mains vides, il venait de laisser tomber son déjeuner dans mes cheveux.

Je vous jure qu’il m’a dit tout ça avec ses yeux !
Figée de mignonitude, je le regarde. Il me regarde aussi. Était-il lui aussi dans le même état en contemplant ma personne ? Nous ne le saurons jamais, mais laissez-moi imaginer que oui.
Super attendrie par cette communion entre nous et dans un élan de compassion, je me baisse, ramasse ledit gland et essaye de le lui lancer.
Et là, tout s’enchaine très vite : je lance mon bras vers les branches de l’arbre, l’écureuil tend ses petites mains, mais elles ne se referment que sur le vide car il rate le gland de peu (mais je ne peux m’empêcher d’admirer son intelligence. Il a compris ce que j’essayais de faire !).
Dans le même temps, j’entends un « CRAC » de très mauvaise augure alors que mon épaule m’avertit par une douleur fulgurante que :
« Meuf, t’as fait une grosse connerie ».
Les larmes aux yeux, je jure et commence à rire nerveusement.
Florent me regarde me tenir l’épaule, pliée en deux, l’air navré.
Moi, je suis déjà en train de penser qu’il va falloir expliquer à l’assurance comment j’ai fait ça : « Alors oui, mon épaule est déboitée et vous devez rembourser des milliers de dollars à un hôpital américain parce qu’il y avait un écureuil qui avait perdu son gland ».
La grande classe.
Je les imagine déjà au bar du congrès annuel des assureurs en train de se raconter les trucs les plus débiles qu’ils ont eu à rembourser dans l’année : le mec qui est rentré à moto dans un bateau. Le mec qui a piqué un pingouin dans un zoo. La meuf qui a rendu son gland à un écureuil.
Oui, quand je suis stressée, mon esprit divague.
Revenons-en à notre histoire.
Je mets en pratique la technique du petit chien. Ça marche pour les vagins traversés par un bébé de la taille d’une pastèque, je ne vois pas pourquoi ça ne fonctionnerait pas pour une bête épaule déboitée. La douleur diminue un peu. Je me dis que j’ai peut-être de la chance et que je vais pouvoir éviter d’écorner l’image de mon pays en racontant cette histoire dans mon anglais approximatif à une nurse qui se dira que les français sont vraiment frappés.
Effectivement, dans les minutes qui suivent, la douleur se calme. Je suis joie, mon épaule n’a rien. C’était juste un avertissement : effort trop violent sur articulation froide. Je le saurai la prochaine fois que je tenterai une bonne action.
Cornaqué par mes soins, puisque je suis sur la touche pour blessure, Mich tente encore 4 ou 5 fois de rendre le gland à notre ami au pelage gris. Mais soit qu’on soit tous les deux de très mauvais lanceurs, soit que ledit écureuil soit vraiment un mauvais attrapeur, il échoue à chaque fois. Tant pis pour lui, il n’aura pas sa place dans l’équipe de Gryffondor.
Nous avons finalement traversé ce f*cking passage piéton au petit bonhomme vert, comme de bons citoyens et nous avons repris le cours de notre vie. Mais depuis cette mésaventure, parfois le soir à l’heure où le loup hurle au fond du bois et où les taxis klaxonnent les piétons en les frôlant à toute vitesse, je sens une pointe de douleur sourde dans ce que j’appelle désormais « l’épaule de l’écureuil ».
Moralité : n’oubliez pas de vous échauffer avant de faire du sport.
Ou de lancer des glands.
Allez, je vous embrasse.
Marie B.
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