
Je vous rassure, cette photo n’a rien à voir avec l’histoire qui va suivre. Mais je la trouvais tellement cool que je n’ai pas résisté au plaisir de la mettre en en-tête de cet article. Photo de Bruce Warrington.
Vermont, 20 octobre 2018
Chers vous tous, chères vous toutes,
Il faut AB-SO-LU-MENT que je vous raconte ! J’ai vécu une journée dont je me souviendrai toujours, une journée américaine comme on en voit dans les films ! Et le soir venu, avant de m’endormir, j’ai pris des notes dans mon journal, agrémentées de PLEIN de points d’exclamation.
Ça commençait par :
« J’ai appris à faire du cheddar DEPUIS LA TRAITE DE LA VACHE JUSQU’A LA MEULE !!! »
Non mais sérieux : j’ai traie non pas une, mais DEUX vaches ! La française que je suis a fait un pas de géant vers l’autonomie alimentaire, et c’était même pas difficile. Honnêtement, le plus dur a été :
- De surmonter mon instinct qui me gueulait l’oreille :
« Casse-toi de là Marie, tu ne vois donc pas comme cet animal est gros ?! Tu vas te faire piétiner par un brontosaure ! »
Moi pendant que je traie un brontosaure l’air complètement détendue.
- De comprendre les instructions fournies par Ricky.
Je vous en ai déjà parlé dans mon post précédent, mais pour ceux qui ont besoin d’un rappel, le voici : Ricky a 18 ans, Ricky est géant, Ricky a une barbe de bucheron. Ricky aime bien faire des blagues comme se cacher derrière les arbres et faire BOUH avec sa grosse voix ou faire croire aux filles qu’il y a des serpents dans le jardin (manque de pot pour lui, je me fous royalement des serpents). Le premier jour, alors que nous venions de le voir jaillir d’un tas de feuilles mortes pour effrayer Ryan, Beth m’a confié en soupirant : « I love him. He is a toddler in an adult body » (trad : « je l’adore, c’est un gamin de 4 ans dans un corps d’adulte »).
Mais surtout, la principale particularité de Ricky, c’est qu’on ne comprend RIEN de ce qu’il dit. Mais genre pas un mot. Je ne sais pas si c’est l’accent, la barbe ou juste qu’il n’articule pas des masses, mais c’était la seule personne de la ferme que je ne comprenais pas.
Du coup, pour traire, j’avoue que c’était flou à certains moments mais au final, j’y suis arrivé. 45 minutes plus tard, j’étais toute fière de moi avec 35L de lait dans un bidon, que nous avons amené à la cuisine où Beth m’attendait pour m’expliquer le processus de fabrication du cheddar.

Moi quand je transporte nonchalamment 40 kilos de lait sur mon épaule (non).
Moi à ce moment là, je suis toute ouïe. Je monte le gaz, je mesure la température, je prépare la présure, je saupoudre les ferments.
Et je suis fascinée.
J’ai l’impression d’avoir 4 ans et d’aider à faire un gâteau pour la première fois. Je suis aussi ravie que quand, petite fille, j’avais le droit de lécher le plat.
A un moment, j’ai même trouvé ça louche, cette joie. J’ai essayé de me raisonner : « Marie, tu es adulte. Arrête de sourire niaisement, tu vas passer pour une débile, une citadine qui va à la campagne jouer à la fermière ». Je trouvais mon émerveillement et ma jubilation complètement disproportionnées. Mais même en me raisonnant, ça ne passait pas. Alors j’y ai réfléchi. Pourquoi une allégresse pareille pour une chose en apparence aussi simple et banale ?
Et, alors que j’attendais que le lait coagule et atteigne la bonne température, j’ai fini par mettre le doigt dessus : c’était la première fois ! En y réfléchissant, c’est très rare de faire des choses pour la première fois, vous ne trouvez pas ? Alors heureusement que ça me mettais en joie ! Maintenant, petit jeu pendant que le fromage prend : cherchez dans votre mémoire, interrogez vos souvenirs…
Quand est-ce que c’était pour vous ?
Quand est-ce que vous avez fait une première fois pour la dernière fois ?
C’était quand, votre dernière première fois ?
C’est pas si facile de s’en souvenir, hein ?
Mais revenons à nos moutons : une demie heure plus tard, je suis toujours aussi guillerette quand la magie et la pressure ont opéré. Je découpe le lait caillé en cubes, je le réchauffe, je l’égoutte et… ça y est ! J’ai fait du cheddar ! Enfin presque.
Maintenant, il faut mettre la pâte dans la presse et serrer. Cinq millimètres toutes les ½ heures. Quand tout le petit lait est sorti, je mets le fromage à sécher pour trois jours.

La qualité de la photo est terrible, mais ça, c’est MON cheddar avant séchage.
Il faut juste penser à le retourner matin et soir. Pour ne pas oublier, je programme un réveil et, depuis ce jour-là, j’ai une alarme dans mon téléphone qui s’appelle « tourner le fromage ».

Cheddar après trois jours de séchage. Photo encore moins terrible, mais ça n’enlève rien à la BEAUTÉ de cette meule !
J’aurais pu la supprimer après les 3 jours prévu, mais je ne l’ai pas fait. Je m’en sers encore, je change parfois son heure et, à chaque fois que mon téléphone se met à vibrer et que les mots « tourner le fromage » s’affichent sur mon écran, je souri et je suis transportée là bas, dans le Vermont, dans la cuisine qui sentait les herbes, le bouillon et les expériences culinaires.
Sérieusement, les alchimistes de la Renaissance ne devaient pas kiffer plus que moi, je vous le dis ! Et puis honnêtement, entre nous, qui voudrait un caillou qui fabrique de l’or alors qu’on peut avoir une poudre qui fabrique du fromage ?
Je suis sur un petit nuage et, à midi, j’ai la sensation d’avoir accompli un acte incroyable. Et bordel, c’est un peu vrai après tout : j’ai fabriqué un fromage !
J’étais fière, vous n’imaginez pas !
Dès qu’il a été rentré de ses activités matinales, j’ai emmené Mich le contempler, fièrement. Il a affirmé que c’était sans conteste la plus belle meule de cheddar qu’il ait jamais vu. En toute objectivité bien sûr (bon, en même temps, je n’aurais pas accepté moins comme commentaire, hein 😉 )..
Malgré l’accomplissement d’une tache magistrale avant midi, la journée était loin d’être terminée… Mais la suite, ça sera au prochain numéro.
Allez, je vous embrasse et vous dis à bientôt. D’ici là, n’oubliez pas de cultiver vos premières fois !
Marie B.
PS : et vous, c’était quand, votre dernière première fois ? Racontez-moi dans les commentaires, je veux savoir !
PPS : après un séchage de trois jours, on peint le fromage avec de la cire pour le protéger et on le met à vieillir dans une cave au moins 6 mois. Du coup, je n’ai pas goûté ma création, mais j’ai des photos moches à vous montrer ci-dessous.

Scène de crime ou cirage de cheddar ? Vous ne pourrez jamais savoir…

Moi-même en train de parachever mon oeuvre pour qu’elle se conserve pendant des siècles et des siècles. Ou en tout cas au moins pour 6 mois.

Tadaaaa !
Vainvain
juillet 30, 2019Facile pour moi vu que je suis en vacances, les premières fois s’enchaînent 🙂 alors ma dernière première fois je dirai que c’est soit participer aux fêtes de Bayonne, ou bien boire du porto 20 ans d’âge, mais je suis pas sûr pour celle là….
mademoisellebambelle
juillet 30, 2019Merci Yvain pour ce partage ! Alors, les fêtes de Bayonne, tu as aimé ? As-tu la rougeole ?
Et le Porto, comment se fait-il que tu ne sois pas sûr ?
Tant de questions sans réponse !
Lauriane
juillet 30, 2019Ça donne carrément envie de faire du fromage !!
Ma dernière première fois, c’était quand j’ai claqué la porte de mon boulot ! Quoi qu’il y a aussi la kermesse d’école que j’ai organisé !
mademoisellebambelle
juillet 30, 2019Bravo pour ta démission ! J’espère que ta nouvelle vie te convient !
Vainvain
août 4, 2019(J’ai pas eu de notif me disant que tu as répondu 🙁 …. )
Alors les fêtes de Bayonne j’ai adoré, c’est vraiment excellent, et j’ai passé une soirée avec mon cousin du sud ouest que je n’avais du voir qu’une fois, et on s’est trop bien entendu donc c’était génial ! (Il est né le même jour que moi, c’est pas fou ça ??)
Pour la rougeolle, tu vas rire mais j’ai bien cru l’avoir cette semaine puisque j’ai été super malade, (je le suis toujours) et que j’ai eu tous les symptômes mise a part la fièvre et l’éruption cutanée (enfin dur a dire puisque le rouge est ma couleur naturelle).
Pour le porto, je sais qu’on avait déjà fait une dégustation dans une cave l’année dernière, mais je ne me rappelle plus exactement si il y avait du 20 ans d’âge pu pas …. Dans tous les cas si je ne m’en rappelle pas, c’est un peu comme une nouvelle première fois non ??
mademoisellebambelle
août 5, 2019Hahaha ! J’adore quand tu raconte te vacance, c’est génial ! Mon pauvre pour la « »rougeole » », même si c’est juste un gros rhume, c’est chiant !
Val Lao sur la Colline
septembre 5, 2019Que cet enthousiasme est rafraîchissant 🙂 Bravo !