J’ai commencé mon dernier article en vous citant le début d’une phrase que j’avais notée dans mon journal au soir de cette journée incroyable. Mais comme j’avais peur de perdre du monde en route, j’ai divisé mon histoire en trois parties. Voici la suite, comme promis. Aujourd’hui, une histoire à forte teneur en scatologie.

« Odeurs gratuites » pourrait être le titre alternatif de ce billet. Ou le nom d’un groupe de punk-rock de garage, au choix.
La phrase suivante dans mon journal était donc :
« L’après-midi, on a peint le tronc des arbres fruitiers avec un mélange d’argile et de BOUSE DE VACHE !!! MIXÉS A LA GIRAFE !!!

Pour les non-initiés, dans l’argot des cuisines professionnelles, une « girafe », c’est ça.
Rien que de me relire, je rigole.
Et quand j’imagine vos têtes à la lecture de ces mots, je rigole encore plus.
Mais avant de vous expliquer pourquoi on a fait ça, je dois encore une fois vous parler de mon karma.
On ne rit pas du malheur des autres
La veille du jour glorieux que je vous raconte aujourd’hui, alors que je me dirigeais vers la cuisine pour me réchauffer, j’ai aperçu devant la maison Ryan qui mixait quelque chose dans un grand seau en plastique blanc.
Intriguée par la couleur et la texture, je me suis approchée et lui ai demandé de quoi il s’agissait.
« Clay and menure » il me répond.
Le premier mot, je le connais. Clay, ça veut dire « argile ». Le deuxième par contre…
« Menure ? I don’t know this word » je lui dis.
« It’s shit from the cow » me répond-il.
Ah ok.
Je note mentalement : « menure = fumier ».
C’était ça l’odeur.
Sans m’émouvoir, je m’éloigne et je laisse Ryan jouer avec le caca. Après trois semaines passées à la ferme de Leigh, je sais qu’il faut parfois accepter de ne pas tout comprendre, suivre le mouvement et ne pas poser de questions. Elle soigne ses plantes comme ses animaux avec des techniques de permaculture et de biodynamie et c’est parfois bizarre. Mais généralement, on fini par avoir une explication. Il suffit d’être un peu patient.
Soudain, alors que j’allais entrer dans la maison, un juron.
A l’instar de la soupe chaude dans la marmite qui repeint les murs et le plafond de la cuisine si l’on sort le mixeur trop tôt, la mixture venait d’asperger Ryan.
Du manteau aux lunettes en passant par le pantalon, le voilà moucheté de merde.

Un accident de girafe est vite arrivé, et Ryan l’a appris à ses dépens…
Étouffant tant bien que mal un fou-rire qui arrive au grand galop, je garde mon sérieux avec héroïsme et entre dans la maison, prétendant n’avoir rien vu.
Par contre, le soir venu, je m’en donne à cœur joie et c’est en pleurant de rire que je raconte l’incident à Florent. Et vas-y que je lance de grands :
« Ryan mixait de la merde hahaha ! » et autres :
« IL EN AVAIT PLEIN LES LUNETTES !!! » alors que je pouvais à peine respirer, emportée par le fou-rire.
C’est pas beau de se moquer, je le sais bien. Mais rassurez-vous, j’ai eu le droit à un retour de bâton karmique presque immédiat.
Le karma de Marie B., parfois, c’est de la merde
Revenons à la journée qui nous intéresse. Alors que le déjeuner était à peine terminé et que je me reposais sur mes lauriers de la fabrication du cheddar, on nous a informé du programme de l’après-midi :
« Les dépressifs viennent pour deux heures et vous les woofeurs, vous allez avec eux traiter les arbres fruitiers ».
(Les dépressifs, c’est des malades en soins psychiatriques qui viennent à la ferme pour être en contact avec la nature. Ça fait partie de leur programme de soins).

Je n’ai pas de photo du verger en question, mais celui-ci lui ressemble pas mal.
Et du coup, devinez à qui on a tendu un gros pinceau et un petit seau de merde à l’argile en lui disant : « toi, tu t’occupes de ce verger-là » …
Si vous avez répondu « A toi Marie B. », vous avez vu juste.
J’ai quand même mieux réagi que l’un des malades venus aider, puisque lui, il a commencé à râler et il a prononcé la phrase qui donne son titre à ce récit :
« I’m not a fucking Michelangelo. »
(NDLT : « Je ne suis pas un putain de Michel-Ange »).
Mich et moi avons donc passé plusieurs heures côte à côte à peindre des troncs d’arbres avec de la bouse de vache.

Voilà comment j’ai ressenti nos activités de l’après-midi.
A un moment, alors que nous étions sur le point de nous embrasser, chacun avec notre pinceau dans une main et des mouchetures de merde un peu partout sur les vêtements, il m’a regardé droit dans les yeux, l’air très sérieux et m’a dit :
« C’est notre baiser le plus romantique en 6 ans de relation »

Mich et moi pendant « le baiser le plus romantique de notre relation ».
J’ai gloussé et je me suis remise au boulot, pinceau dans une main, petit seau dans l’autre, tâche de bouse de vache sur le front avec la conscience très forte d’être la meuf la plus chanceuse du monde.
Nous avons peint ainsi tout l’aprèm avant de rentrer dans notre petite maison jaune. Déjà, cette journée était riche en évènement, mais en plus, elle était loin d’être terminée !
Mais ça, c’est pour la semaine prochaine.
Allez, je vous embrasse, et n’oubliez pas de libérer le Michel-Ange qui sommeille en vous !
Marie B.
PS : Si vous êtes des êtres humains normaux, vous vous demandez sans doute POURQUOI nous avons peint des arbres avec du caca (hormis pour le plaisir transgressif – à défaut d’être olfactif – que ça nous a procuré bien sûr). Eh bien c’est simplement pour les protéger à la fois de la réverbération de la lumière sur la neige qui pourrait brûler le bois en hiver, et également pour garder l’écorce à l’abri des ravageurs du jardin que sont les rongeurs, les cerfs et les insectes.
Voilà, ne me remerciez pas, et bon appétit bien sûr. #marielascience
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Val Lao sur la Colline
septembre 5, 2019Oui bah moi, la bouse de vache, je ne trouve pas que ça pue, ça sent la campagne, quoi… En tout cas ça pue moins que certaines aisselles rances.
mademoisellebambelle
novembre 21, 2019Hahaha Val Lao sur la Colline, ON VEUT DES NOMS ! 😉
Val Lao sur la Colline
septembre 5, 2019Oui bah moi, la bouse de vache, je ne trouve pas que ça pue, ça sent la campagne, quoi… En tout cas ça pue moins que certaines aisselles rances.