
La Golden Hour, magnifique dans le Vermont en automne, pour nous, c’est surtout l’heure d’arrêter de patauger dans le caca.
Vers 17h et comme je vous le disais dans la conclusion du précédent article, notre travail à base de bouse de vache était terminé et nous sommes rentrés PRENDRE UNE DOUCHE (très nécessaire) et nous changer car c’était vendredi et le vendredi pour nous les woofeurs, c’était un peu la fête.
Notre petite tradition avec Yvonne (je vous ai parlé d’elle ici) était d’emprunter le pick-up de Leigh pour descendre la colline jusqu’au « country store ». Le tout petit bâtiment comprend le bureau de poste du coin, les boites postales des gens qui habitent des lieux trop reculés pour le facteur, un bar-salon de thé et, au premier étage, un thrift shop (NDLT : friperie). Bref, c’est le point de ralliement des habitants des collines des environs dans cette zone si rurale qu’il n’y a même pas de bourg.

Un autre « country store » dans une autre ville.
Tous les trois et ce durant tous les vendredi soirs de notre séjour, nous adorions aller y fureter une petite demi-heure pour y dénicher des fringues cools. Ensuite, nous descendions acheter une pizza dans une petite cahute communautaire installée sur le parking. On demandait à y mettre tous les ingrédients disponibles et un gros supplément fromage et ensuite, nous la mangions soit assis sur un banc près du feu qui brulait là pour réchauffer les courageux amateurs de bouffe triangulaire comme nous, soit nous rentrions à la maison pour la manger devant le poêle en nous faisant des s’mores.
(Si vous voulez savoir ce que sont les s’mores, revenez la semaine prochaine. Je vous Michel fournirait une recette typiquement américaine.)
Ce petit teasing mis en place (désolée, si je ne l’avais pas fait, le présent article aurait fait presque 2000 mots !) revenons au vendredi qui nous intéresse et que je vous raconte depuis déjà deux semaines. Ce soir-là nous avons de la chance au thrift shop. Je trouve un pantalon de travail neuf de très bonne qualité et un joli pull. Florent s’offre royalement des santiags et un manteau en daim bleu. Nous repartons avec toutes nos trouvailles pour 10$, que nous insistons pour payer.
En effet, après avoir appris que nous sommes « les wwoofeurs de Leigh », la gentille dame de la caisse refuse de prendre notre argent. Nous sommes obligés de ruser et finissons par trouver un compromis qui satisfait tout le monde : déposer notre billet dans le pot pour les dons qui fait vivre le thrift shop.
Tout contents, nous ressortons et nous nous apprêtons à accomplir la suite de notre rituel. Il est 19h, il fait nuit, il fait froid alors comme diraient les Tortues Ninjas : « KOWABUNGA ! C’est l’heure de la pizza. »

« Il est 19h, il fait nuit, il fait froid… »
La seule différence avec les autres vendredis, c’est qu’aujourd’hui, nous faisons des infidélités à Robert, notre fournisseur habituel et nous partons tester une autre soirée à 20 km de là. Yvonne se fait expliquer la route, nous remontons dans la voiture, et c’est reparti, direction « la ferme de Mimi ».

KOWABUNGA !
Après quelques hésitations sur la route (ce virage ? Le suivant ?), quand nous arrivons, nous n’avons plus aucun doute : c’est là. Le parking est bondé, il y a au moins 200 personnes qui vont et viennent, il flotte dans l’air une délicieuse odeur de pâte à pizza chaude et de fromage fondu.
Nous descendons de la voiture et quelques notes de country se font entendre.
« Hiiiii il y a un orchestre dans la grange ! » je couine.
Nous commandons notre pizza (un peu de tout avec supplément fromage, comme d’habitude) et nous nous dirigeons vers la musique.
Lorsque nous entrons dans la grange, nous découvrons un groupe armé d’un banjo et d’une contrebasse qui met une ambiance de folie à base de pop pop pop pop rock country.
Pas de scène, le groupe joue à même le vieux plancher de bois qui a dû en voir passer, des générations de boots qui dansent. Au fond sont installés des gradins en ballots de pailles pour le plus grand bonheur des jambes fatiguées et des enfants qui se roulent dedans. Autour de nous, un océan de chemise en flanelle, de bonnets, de chapeau de cowboy et de grosses barbes.
Dans ma tête, un petit signal s’allume : « Kiffe ma vieille, tu y es ».
Effectivement, j’y suis.
Où ça ?
Dans un fantasme de voyageuse.
Dans un endroit où les gens ne font pas semblant de mener des activités bien clichées pour coller à l’image que se font les touristes de leur pays. Ici, il n’y a que les gens du coin qui connaissent Mimi, ou les musiciens, ou le mec qui fait les pizzas. Mais de touristes, point.
Si la brigade du kiffe était passé à ce moment-là, c’est sûr que j’aurais pris perpèt.
Tous les trois, ressortons manger notre pizza sur un banc en partageant une bière avant de retourner dans la grange.
Jusqu’à la fin du concert, j’aurais un grand sourire vissé au visage.
Je suis en Amérique, dans une grange avec un banjo, le mec dont je suis folle et une amie.
Nous rentrons en écoutant Kool Radio, « the true oldies channel » et en brayant des tubes d’Elvis ou des Beatles.
En posant –enfin – ma tête sur l’oreiller, je m’endors en pensant que le voyage, c’est ça : l’imprévu qui fait qu’en une seule journée, tu traies une vache pour la première fois, tu fabriques un fromage, tu peins des arbres avec de la merde (et de l’argile, n’oublions pas l’argile !), tu achètes des fringues de seconde main géniales et tu finis par danser dans une grange au son d’un banjo.
Quatre premières fois en une journée.
La vie, c’est quand même le pied.
Allez, je vous dis à très vite et d’ici là, n’oubliez pas de demander un énorme supplément fromage.
Bises,
Marie B.
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