
Tout petits face à l’océan
Marie B. à Ouessant – Chapitre 9
Or donc je suis en Bretagne depuis maintenant 2 mois et je n’ai toujours pas abordé ce point crucial dès qu’on parle de la région (qui occupe en ce moment toutes les actualités) : la météo.
« Quand les mouettes volent à reculons, rentre à la maison »
Adage populaire
Le lendemain de ma balade au Stiff, je me suis réveillée sous un temps atroce. Le ciel était noir (on aurait presque dit que le jour ne s’était pas levé) et il pleuvait des trombes d’eau. Certaines personnes que je voyais passer par ma fenêtre portaient même des pantalons de K-way (Christina Cordula n’aurait certainement pas approuvé)! C’était un temps à être une bonne ménagère : j’ai donc fait la lessive (eh oui! même Indiana Jones a besoin de slips propres) (enfin lui je ne sais pas mais moi si). J’ai bien rigolé car la machine à laver ressemble à un petit vaisseau spatial : elle a des lumières partout et joue une petite musique victorieuse quand on l’allume et quand elle fini un cycle. (« Mais c’est passionnant ta vie Marie B.! C’est pour nous parler lessive que tu nous as trainé ici?! ») (Mais non, restez, je vais vous parler de phoques!)
Vers 16h, le temps semblait se dégager et j’ai donc décidé d’aller respirer un peu dehors. Mais, comme d’habitude depuis que je suis ici, je suis partie en me disant « 20 minutes de ballade au grand air me feront le plus grand bien » et suis rentrée 3h ou 4h plus tard en ayant parcouru près de 10 km…
Or donc, j’étais tranquillement en train de longer la falaise en regardant la mer quand soudain, mon regard s’est posé sur un truc noir et triangulaire qui flottait dans la baie. Intriguée, je braque mon super objectif zoom d’appareil photo dessus quand… Ça disparait ! « Hiiiiiiii » j’ai pensé, « les bouées ça ne disparait pas ! Ça serait pas un gros phophoque par hasard ?! ». Ça bougeait un peu, ça disparaissait sous l’eau de temps en temps, ça se déplaçait vaguement. Aucune certitude sur ce que ça pouvait bien être. Un moment, j’ai même pensé à un aileron de dauphin ou de requin. Dans le doute, j’ai mitraillé de photos en me disant que je verrais mieux en grand sur l’écran de l’ordinateur. Soudain… Un deuxième ! En tout, j’ai passé près d’une heure à regarder les gros pépères de l’océan faire la planche comme des bienheureux alors que le vent sifflait sacrément. Le ciel était bleu, il faisait un peu de soleil et j’étais à l’abri du vent derrière un rocher, tout allait bien. Et là, j’ai levé le nez et j’ai vu ça :

A gauche, beau temps. A droite, ça pue pour moi.
Ensuite, j’ai regardé la mer et j’ai vu ça (je précise que je n’ai pas retouché les photos, les couleurs sont les bonnes, notamment celles du ciel. Et il n’était pas 18h, ce n’est pas la nuit non plus) :
Et là, j’ai su de manière certaine que la rincée, j’allais me la prendre. Et bien comme il faut. Vous allez vous dire : mais comment se fait-il qu’elle n’ait pas vu un grain pareil arriver ?
Bon, d’abord, j’étais très occupée à essayer de savoir si les deux trucs dans l’eau étaient des phoques. Ensuite, le temps ici ne cesse de me surprendre. Il peut changer du tout au tout en deux secondes et demi. La photo du ciel séparé en deux (bleu/noir) vous montre bien ça. Et donc j’ai mis en place le mode « waterproof », notamment pour l’appareil photo qui est génial mais qui ne m’appartient pas. J’ai eu environ trente secondes pour :
- Ouvrir mon manteau (et vu la température du vent qui s’était mis à souffler, croyez-moi ça m’a coûté) et en enlever une manche.
- Passer la sacoche de l’appareil photo par-dessous le manteau
- Remettre la manche (et encore une fois, vu le vent c’était pas la partie la plus aisée)
- Refermer le manteau en recouvrant la sacoche des pans de mon écharpe (j’avais bien vu que le niveau d’humidité allait considérablement augmenter dans les minutes à venir et une couche de plus par-dessus n’était pas de trop)
- Me mettre à marcher très vite (plutôt crever que courir) pour rentrer.
Ça aurait pu marcher si seulement j’avais pris la bonne direction pour retourner au CEMO…
J’aimerais préciser un truc : il est assez difficile de se perdre à Ouessant, étant donné qu’il y a des points de repères en hauteur partout, et notamment les trois dont je me sers tout le temps : le Créac’h, le Stiff et le clocher de Lampaul. Grâce à eux je me triangule plutôt bien (d’habitude) et je sais plus ou moins dans quelle direction il faut que j’aille en fonction de ma position par rapport à eux. Mais par temps de pluie, ils ne sont parfois plus visibles.
Et c’est ainsi qu’à la première patte d’oie (je hais les pattes d’oie), j’ai pris à gauche au lieu de prendre au milieu et je me suis retrouvée dans la boue jusqu’aux chevilles à travers un marais à essayer de rejoindre une route ou un sentier praticable. Pendant ce temps-là, la pluie avait commencé, et pas que : la grêle aussi.
Je me suis donc littéralement fait poncer le côté droit du visage par ce qu’ici on appelle un « gwarlarn », c’est-à-dire un « vent de noroît en bourrasques violentes accompagnées de grêle » (eh ouais, je comprends les termes de la météo marine maintenant !) (et je te confirme qu’elles étaient violentes, les « bourrasques »)
Petit lexique
- Noroît = nord-ouest
- Nordet = nord-est
- Suroît = sud-ouest
- Suet = sud-est

Le pantalon de l’angoisse
Mon pantalon (le jaune, bien épais et super en rando car il me laisse plein de liberté de mouvement) s’est mis à peser quatre kilos (rapport à l’eau qu’il absorbait vu que, comme je viens de le dire, il est super épais) et n’était pourtant mouillé que du côté droit de mes jambes. En désespoir de cause, ne sachant plus où j’étais (se trianguler quand tu ne vois plus à trois mètres devant toi est assez compliqué), j’ai coupé au travers d’une prairie à moutons en espérant deux choses :
- ne pas me faire charger par un bélier (parce j’étais vraiment incapable de courir avec un froc aussi lourd)
- ne pas me prendre un coup de plomb dans le cul par un vieux énervé par les touristes traversant sans cesse sa propriété.
L’aller jusqu’à la falaise m’avait pris environ ¼ d’heure.
Il m’a fallu plus d’une heure pour rentrer.
La pluie a duré environ 10 minutes (qui m’ont vraiment paru longues) et puis le soleil est revenu. J’ai donc commencé à sécher en marchant pendant que je rentrais chez moi, croisant des autochtone goguenards dans leurs voitures, sans doute en train de penser qu’en Bretagne, il ne pleut que sur les cons et les touristes comme le veut l’adage populaire.
Je suis arrivée chez moi ruisselante et frigorifiée, mais le premier truc que j’ai fait (après m’être mise en slip dans le hall d’entrée pour ne pas mettre de boue partout) (« Mais n’te promène donc pas toute nue ! ») (D’où l’importance du slip propre pour Indiana Bambelle!), c’est allumer l’ordi pour pouvoir enfin répondre à la grande question : alors, c’était des phoques oui ou non ?! (parce que quand même, c’est bien ça le sujet de cette histoire)
*Roulements de tambour*
Eh bien OUI ! C’était des phoques ! La preuve en image :

<3 Le gros pépère de l’océan <3 me méprise farouchement on dirait

<3 Gros pépère faisant la planche <3
J’étais super excitée, j’avais ENFIN vu des phoques ! Je n’avais qu’une envie, recommencer, et si possible de plus près. Voir leur faire des gratouilles sous le menton (GOUZI-GOUZI LE PHOOOOQUE <3 😀 ). Mais mes collègues ont très vite tué ce rêve dans l’œuf et m’ont clairement expliqué que ce n’était pas une bonne idée. Voire qu’elle était très mauvaise : « tu sais Marie, certains pêcheurs n’aiment pas les phoques, parce qu’ils sont capable d’éventrer la coque d’un bateau à coup de griffes ! Ils sont mignons mais des fois ils s’énervent sans raison ! ». Bon, OK, je n’irai pas papouiller du phoque. Grosse déception, mais je n’abandonne pas l’idée de gratouiller le dauphin par contre ! Lui n’a pas de griffes au moins.
C’est ainsi, sur une poêlée d’endives aux champignons qui réchauffe, que s’achève ce chapitre de mes aventures ouessantines. J’espère que vous avez apprécié, je vous dis à suivre très vite !
(mais pas sans une dernière photo de phoque)

<3 Pépère de l’océan curieux mais pas téméraire <3
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Les autres chapitres sur Ouessant sont ici
lauresila
juin 4, 2016Moi aussi je veux voir des phoques ! Et des manchots !
Mademoiselle Bambelle
juin 10, 2016Pour les manchots je peux rien faire pour toi Laure, par contre, en terredef eu il y en a… Je dis ça je dis rien, t’es sur le bon continent!
Brigitte
juin 10, 2016Merci Marie pour ces récits pittoresques .
Mademoiselle Bambelle
juin 10, 2016Merci Brigitte!Je ne savais pas que tu me lisais! A bientôt 🙂
Nina
juin 18, 2016Génial Marie, je lis tes articles avec délice, on a un peu l’impression d’y être avec toi.
Mais j’aimerais qu’on revienne sur cette machine à laver quand même, quel outil formidable ! Je milite pour une photo du dit allumage. Bises
Mademoiselle Bambelle
juin 20, 2016Haha merci Nina! Pour la machine à laver, une photo ne lui rendrait pas justice! Je songe à faire une vidéo du moment où elle fini le cycle de lavage et où elle se célèbre elle-même par une petite musique de gloire!
befrenchie
juillet 1, 2016Spécialiste aussi pour me retrouver en pleine tempête alors que tout le monde a compris depuis longtemps qu’il vaudrait mieux chercher refuge…c’est mon côté Gene Kelly.
Les phoques, je ne suis pas sûre mais j’ai nagé avec des otaries en Nouvelle-Zélande et mis à part un sacré parfum ambiant – elles ne doivent pas se laver souvent, ni connaître l’usage du dentifrice – l’expérience fut très sympa…après réflexion, on s’était dit que tenter la nage avec les otaries nous ressemblait bien plus que l’approche des dauphins. Oink, oink 😉
Mademoiselle Bambelle
juillet 1, 2016Haha, super, je suis un peu jalouse ! J’ai vu le dauphin depuis, mais il n’etais pas assez proche pour les gratouilles, dommage !
chinouk
septembre 27, 2016un pur délice tes billets 🙂 qu’est ce qu’on ne ferait pas pour voir des phoques 🙂
Mademoiselle Bambelle
septembre 27, 2016Ooooh merci! Oui, les phoques c’était un peu la cerise sur le gâteau de mon séjour!