Marie B. à Ouessant – Chapitre 16
Dans mon article précédent, j’ai commencé par le positif en vous listant tout ce que je vais regretter une fois que j’aurai quitté Ouessant définitivement. Aujourd’hui, je vais plutôt vous parler de ce qui ne va absolument pas me manquer. C’est aussi du positif dans un sens, vu que ce sont des choses que je n’aurai plus à « subir » d’ici peu (toutes proportions gardées, j’ai adoré vivre ici)! Alors, sans vouloir vous dégoûter aucunement (sérieusement, visitez Ouessant, c’est top!), voici la liste des choses qui ne vont PAS DU TOUT me manquer sur l’île.
L’isolement, la difficulté de déplacement et les transports en commun foireux. Sérieusement, pour ceux qui me suivent sur ma page Facebook, ça sera une redite, mais quitter Ouessant s’apparente à envahir un pays, en plus compliqué ! Lorsque j’ai voulu me rendre à Limoges il y a trois semaines, il a fallu que je réserve une navette qui m’a emmené au Stiff, où j’ai pris le bateau qui m’a conduite au Conquet où attendait un bus pour aller à Brest où un covoiturage m’a enfin déposée à ma propre voiture.
QUATRE moyens de transports différents et QUATRE HEURES pour parcourir moins de 100 km !
Ajoutez à ça des horaires illisibles (le mec qui les a conçu devrait être condamné à emprunter le bus tous les jours pour le reste de sa vie) et non coordonnés (le même génie sans doute a estimé qu’il n’était pas nécessaire que les horaires d’arrivée du bateau et de départ des bus correspondent un minimum…) et vous avez le top de la praticité. Sans parler du fait qu’on est vraiment tout au bout du bout de l’ouest de la France et que du coup, tout est loin (genre chez moi : minimum 6h de route).
Le coût de la vie. D’abord, on est sur une île, donc ce qu’en marketing on appelle une « clientèle captive ». C’est-à-dire qu’on est OBLIGE d’acheter là (autre exemple : sur les aires d’autoroute, on est aussi des clients captifs). Donc les prix ne sont pas établis pour attirer le client mais plutôt au bon vouloir des commerçants. A leur décharge, il y a aussi la variable « importation » qui pèse sur le prix des denrées : se faire livrer des marchandises ici coûte 11€ la tonne. C’est pas énorme mais ça compte dans le prix final. Enfin, il ne faut pas oublier qu’on est aussi sur un lieu touristique. Et qui dit « touriste » dit « pigeon à plumer ». Et sérieusement, le prix des fruits et légumes m’a un temps découragé d’en acheter. Après, j’étais tellement en manque de verdure que j’ai craqué, mais une salade à 1,50€, le moindre thé Lipt*n dégueu à 5€ ou une botte de radis à quasi 2€, ça me troue le cul. Sans parler de l’empreinte carbone de ce que je mange, qui me préoccupe beaucoup dans la vie de tous les jours. Les champignons viennent de Pologne, les radis de Hollande et les laitues d’Italie. Merci la planète…
Le vent. Aspect important de la vie îlienne le vent. Il est (presque) toujours là, présent, tapi. Il transforme les jours de beau temps en concours de steak trop cuit (le vent empêchant de ressentir la brûlure du soleil) et t’oblige à prendre un coupe-vent où que tu ailles, même si tu portes une petite robe. D’ailleurs, tu ne portes pas de petite robe. Pour deux raisons :
- Il fait trop froid
- Tu n’as pas envie de te retrouver cul-nu dans la lande toutes les deux secondes ni de t’agripper au bas de ta jupe la journée entière.
Et la nuit, il hurle, s’infiltre partout, te glace et te fais entendre des voix. Le CEMO la nuit par grand vent = film d’horreur. En plus, la tuyauterie émet régulièrement des sons qui évoquent le bruit d’une tronçonneuse. Il n’en fallait pas plus à la flippée que je suis pour imaginer le Pervers de la Lande venir gratter à ma fenêtre (j’ai réglé le problème en me cachant sous la couette avec des bouchons d’oreilles) (et de toute façon, le Pervers de la Lande n’a jamais existé que dans ma tête).

Le vent qui, en plein mois de Juillet, t’oblige à porter un pull et deux écharpes

Ouessant en mai…
Le froid. Il ne fait « chaud » (tout est relatif) à Ouessant que depuis 8 jours. J’ai UN PEU l’impression de m’être fait arnaquer sur la moitié de l’été là ! A cause du vent donc, mais aussi parce que, tout simplement, on est cerné par l’océan, c’est à dire une énorme, gigantesque, monstrueuse masse d’eau qui ne dépasse pas 12°C (non, le Gulf Stream ne passe pas près d’Ouessant). Or, l’eau a une très forte inertie thermique. C’est-à-dire qu’il lui faut beaucoup d’énergie (ici, solaire) pour gagner 1°C de température. Et ça veut dire aussi que l’air au-dessus de cette très très grosse masse d’eau reste froid en permanence. Alors quand le vent (ENCORE LUI) pousse cette grosse masse d’air froid sur Ouessant, ben il fait froid.
D’ailleurs, les chiffres ne mentent pas. En voici deux fort intéressants :
- la température moyenne sur Ouessant est de 11,9°C à l’année (C’EST PAS CHAUD !!!)
- on n’a jamais, mais alors JAMAIS atteint les 30°.
Pour moi qui n’envisage l’été qu’accablée par la chaleur et le soleil, ça va pas. En revanche, ça ne veut pas dire que vous n’allez pas bronzer où prendre des coups de soleil (des coups d’amour, des coups d’je t’aime). On est en bord de mer et lorsque le soleil donne, la réverbération est particulièrement traître. Même par temps couvert. Même par jour de brume. Depuis une semaine par exemple, on a un temps magnifique. Je me tartine toutes les demi-heures d’indice 50 et pourtant, j’ai de sacrés couleurs (comprendre « mon nez est aussi coloré que celui d’un toucan »). Donc à Ouessant comme sur la banquise, on se pèle les meules, mais on crame de la gueule.

Comment j’ai passé mes vacances sur le continent. Je n’ai bougé de cette position que pour aller remplir mon verre de rosé au cubi. Le pied intégral. Et sans mal de mer là! Qui a dit que je n’ai pas le pied marin?! 😉
Les araignées géantes. Il existe en biologie un phénomène appelé « nanisme insulaire ». C’est-à-dire qu’une espèce de taille normale sur le continent est beaucoup plus petite sur l’île. Wikipédia évoque deux raisons à cela : « l’absence de certains prédateurs rendant l’avantage de la taille inutile et/ou la difficulté pour un grand animal de trouver suffisamment de nourriture.». J’aurais bien aimé que ça se produise sur Ouessant. Malheureusement pour moi, pour les arachnides ici, c’est l’inverse. Elles sont monstrueuses et je me sens tel Ron Weasley dans la Forêt Interdite quand Aragog invite tous ses fils à les dévorer, lui et Harry. On parle ici de « gigantisme insulaire » soit une espèce insulaire plus grande que la même sur le continent. Toujours selon Wikipédia : « cela est généralement expliqué par l’absence de certains de ses prédateurs dans cet environnement isolé ». J’ai hâte de partir et de leur rendre ma chambre comme terrain de jeu.
Les groupes du CEMO. Entre ceux qui chantent sous ma fenêtre à 3h du matin, ceux qui partent en laissant l’endroit dans le même état que Bagdad après un attentat et ceux qui font cuire du poisson toutes portes ouvertes, parfumant ainsi tout le bâtiment (dont ma chambre) (#gerbance) au passage, je sature (et pourtant, j’aime l’humanité).
Les aller-retours en bateau et le mal de mer. J’ai finalement très peu quitté Ouessant parce que sérieusement, nourrir les poissons à coup de vomi à (quasi) chaque traversée, c’est désagréable. J’ai pas le pied marin, c’est établi. Je n’exclut pas de retourner sur un bateau un jour, mais pas tout de suite. Pour l’instant il me tarde de retrouver le plancher des vaches.
LA BRUME. On ne dira jamais assez les bienfaits du soleil, la vitamine D et blablabla. Début juin, on a eu sur Ouessant trois semaines non-stop de brume.
TROIS.
SEMAINES.
NON-STOP.
Et quand je vous dis brume, c’est pas le petit brouillard gentil qui s’estompe dans la matinée (« brume matinale » il appelle ça Joël Colado à la météo sur France Inter). Je vous parle d’une purée de pois tellement épaisse qu’on ne voit pas la mer avant d’être tombé dedans. D’un fog tellement dense qu’on peut se perdre sur la route, pourtant droite, qui va du bourg au Créac’h. D’ailleurs, jour ou nuit, à son pied, on ne voit plus le sommet du phare. Même allumé. Trois semaines comme ça, vous imaginez?! Vous dire que j’étais vénère serait en dessous de la réalité. J’étais presque entrée en hibernation. Boulot-dodo-brume-dodo… Je vais retrouver le climat normal sans regret !

Trois semaines sans interruption. Ce fut très très long.
Ce que je suis contente de retrouver
Pour ne pas rester sur cette note négative (en même temps, il y a assez peu de points noirs je trouve), j’ai aussi envie de vous parler de ce vers quoi je suis heureuse de retourner..

Mon jardin paradisiaque. D’ailleurs, saviez-vous que c’est un pléonasme? Car le mot persan « pairi daiza », dont est dérivé le mot « paradis », désigne un jardin clos! #minuteculturelle
Les arbres. Comme je vous l’ai déjà dit ici (et ici aussi), sur Ouessant, pas d‘arbre. Donc pas d’ombre et pas de vert. Je ne m’en rendais pas compte jusqu’au moment où je suis rentrée chez mes parents un weekend. Il faisait un temps superbe, je me suis mise aussitôt en short et je suis sortie dans le jardin. Et là : « OH ! Du VERT ! De l’HERBE ! Le soleil dans les branche ! De l’OMBRE ! C’EST TELLEMENT BEAU CA ME DONNE ENVIE DE PLEURER ». (certaines personnes prétendent que j’ai une forte tendance naturelle à l’exagération. Je ne vois pas du tout de quoi elles parlent…) . On a déjà établi que :
- Je n’ai pas le pied marin
- Je suis une fille du soleil (et du sud)
Maintenant on sait que je ne suis pas une fille de la lande non plus. Trop de marron tue le marron.
Les esthéticiennes. Parlons peu parlons bien, il n’y en a pas sur Ouessant. Mes poils ont atteint des sommets jusqu’alors inexplorés et j’ai été obligée de recourir AU MAL : le rasoir. Mon maillot a été déclaré zone sinistrée pendant quatre mois et je songe à renommer Ouessant : « l’Île Noire », rapport à ce célèbre épisode de Tintin. D’ailleurs, il y a deux semaines, j’ai profité d’un passage éclair chez moi sur le continent pour appeler mon esthéticienne. Vous trouvez peut être que j’exagère encore, mais je considère que quand je dois utiliser les termes « carnage », « Beyrouth », « catastrophe » et « n’importe quoi » pour décrire (par téléphone, à la prise de rendez vous) mon maillot à Flora, mon esthéticienne, c’est révélateur. Et quand Flora fait « Oula oui, vous allez souffrir » en voyant le boulot, elle ne ment pas. Bref, la relation longue distance avec Flora, c’est fini et ça me met en joie!
Internet et le réseau téléphonique. Ils sont ici plus qu’aléatoires et, parfois, alors que mon téléphone m’indique qu’il capte, je reçois 35 textos d’un coup dont certains datent de 3 jours… Quand à Internet, ça dépend du vent, de la brume et des chaussettes de l’archiduchesse, mais certains jour, ça ne marche pas du tout. Quant à la 4G, n’y pensez pas.
La sécurité routière. La première fois que je suis montée en voiture sur Ouessant, j’ai fait comme tout un chacun et je me suis attachée. On m’a ri au nez en me disant : « Hahaha! ça se voit que tu viens du continent, toi, tu t’attaches encore en voiture!« . J’ai appris ce jour là qu’ici, c’est complètement secondaire. Ca m’a fait pensé à une anecdote qu’un journaliste m’a raconté un jour. Il arrivait en Russie et, alors qu’il demandait où se trouvait la ceinture de sécurité au chauffeur goguenard du taxi qu’il venant de prendre, la réponse qui lui a été faite était : « y’en a pas. Tu veux pas un casque non plus?!« .
La conclusion de tout ça, c’est je crois que je peux vivre partout, mais que je reste profondément et viscéralement une fille du Sud (et de la civilisation moderne). Il me faut de la chaleur, de l’abondance, de l’exubérance (et des arbres). D’ailleurs je vous laisse, je dois aller faire mes valises!
Et pour vous faire plaisir, voici encore deux photos que j’adore. Je les ai prise au Conquet, le petit port d’où l’on embarque vers Ouessant. Un gros shoot de fleurs et de couleurs!

La Bretagne, ça vous gagne!

Règle numéro 1 : il n’y a JAMAIS trop de fleurs.
Je vous dis à très vite pour un dernier (ou avant dernier) article sur Ouessant! En attendant, bonnes vacances à tous!
Vous avez aimé cet article? Vous en voulez encore?
Les autres chapitres sur Ouessant sont ici
Daphné @ Be Frenchie
août 1, 2016Finalement, ne serais-tu pas un mix féminin parfait entre Joël Colado, Alain Rey et Alain Baraton ?
Ta dernière photo semble droit sortie de Nouvelle-Zélande et le côté pelé rappelle le no-tree land qu’est l’Islande…aurais tu trouvé à Ouessant un compromis entre ces deux pays ?
Mademoiselle Bambelle
août 2, 2016Oh comme c’est un joli compliment ! Merci Daphné ! Quant à savoir si Ouessant est à mi-chemin entre Islande et Nouvelle Zélande, je ne peux pas me prononcer, n’ayant jamais mis les pieds sur aucun des deux! Par contre, il me semble que toi si! Alors je crois qu’il va falloir que tu viennes visiter cette île pour te faire u’e idée 😉
anaverbaniablog
août 9, 2016Les araignées géantes ? Oh lala les balls pour moi ! :-p j’aime bien ce billet et le ton rigolo que tu utilises.^^ mes vacs se passent en Italie. Pas d’araignées pour l’instant mais je me fais dégommer par de foutus moustiques tigres. Chacun son fardeau.^^
Mademoiselle Bambelle
août 9, 2016Hahaha, essaye l’huile essentielle de citronnelle ! Merci pour tes compliments, et bonnes vacances alors!